Lycée Henri Bergson

Lycée Enseignt General Et Technologique – Angers

Pays de la Loire
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A) La mort de l’architecte du lycée Yona Friedman

« Le travail de cet architecte aux centres d’intérêt multiples a porté principalement sur la conception d’une ville improvisée construite par ses habitants. Il est mort le 21 février, à l’âge de 96 ans. »

Lire la suite de l’article du quotidien « Le Monde »  du 25 février 2020

B) Un architecte reconnu

Plusieurs élèves, enseignants et personnels avaient rencontré une équipe qui a réalisé un reportage dans le cadre d’une exposition sur l’architecte de notre lycée, Yona Friedman. Cette exposition s’est  déroulée à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris du 11 mai au 07 novembre 2016.

Le Courrier de l’Ouest a annoncé cet événement dans son édition du 01 avril 2016.

Lien vers les plans de notre lycée qui était à l’origine une extension du lycée David D’Angers.

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C) « L’architecte Yona FRIEDMAN et le Lycée Henri BERGSON d’ANGERS »

par Paul BADIN, enseignant de lettres.

M.Paul Badin, ancien professeur de lettres du lycée, a témoigné à cette occasion sur la conception originale de notre lycée et rédigé le texte suivant :

I. L’ARCHITECTE

Yona FRIEDMAN1, né en 1923, est un sociologue et architecte français d’origine hongroise.

Il enseigne dans la plupart des grandes universités américaines, au MIT notamment. Consultant à l’UNESCO pour les pays en voie de développement en Afrique et en Asie. Il reçoit de nombreux prix dont le Grand Prix de l’Académie de Berlin pour l’ensemble de ses recherches.

Il met au point la notion, prémonitoire, d’«Architecture de survie» pour les pays en voie de développement comme pour les pays développés; celle de «seuil» et de «groupe critique»: nombre au-delà duquel, dans un groupe trop important, les relations interindividuelles s’amenuisent et perdent en consistance, dynamisme et intensité(25 élèves par classe par exemple); celle d’«auto-planificateurs» par laquelle les citoyens et/ou habitants concernés par une construction sont seuls capables de déterminer effectivement leurs besoins lorsqu’ils sont démocratiquement sollicités selon des critères raisonnés.

Lire notamment:

-Utopies réalisables, collection 10/18, 1975, où le sociologue définit précisément sa démarche,

-L’Architecture de survie : où s’invente aujourd’hui le monde de demain (titre prémonitoire), Casterman, 1978.

II. SITUATION DE L’ÉDIFICE

entrée principale, architecte Yona Friedman

Pour Yona FRIEDMANN, un édifice ne doit pas casser l’harmonie des courbes et rythmes naturels. Plutôt que de bâtir sur la hauteur un édifice élevé qui compromettra orgueilleusement l’équilibre naturel, il est préférable de le lover plus modestement dans un creux naturel qu’il vient simplement habiter. Tel est le cas pour le lycée Henri BERGSON d’Angers.

allée descendant du parking des personnels

L’espace vert judicieusement arboré aménagé autour des bâtiments accueille les utilisateurs, leur offre détente et sérénité (les pelouses sont abondamment fréquentées durant les intercours en période de beau temps), les invite à converger vers l’intérieur des murs. Le lycée n’est pas fermé sur lui-même, en témoignent les vastes entrées devant, sur le côté, également sur l’arrière.

Internat rénové en 2004

L’internat, nécessité par la vocation originelle du lycée de centre ville, est séparé du bâtiment principal, assume son indépendance. Le bassin qui s’interpose entre l’entrée et le bâtiment principal (cf. V) prédispose à la paix et rappelle la proximité de la Maine qui traverse Angers et unit ses deux rives.

III. CONCEPTION DE L’ÉDIFICE (1978-80)

Proposé comme architecte-concepteur du lycée, Yona FRIEDMAN demande à rencontrer des représentants des utilisateurs: administration et services divers (cuisine, par exemple), enseignants, élèves, parents d’élèves, ceux qu’il nomme les «auto-planificateurs». Le bâtiment à construire doit correspondre au plus près à la demande des utilisateurs. Et si ces derniers n’en ont qu’une idée réduite, il est nécessaire de les aider à mieux la formuler. Un espace construit n’est pas une enveloppe vide, un corps inerte mais un organisme complexe avec lequel ses divers habitants tissent des relations étroites. L’espace bâti doit aider les utilisateurs à s’épanouir collectivement car il agit, positivement (ou négativement) sur la façon dont chacun investira sa présence, du ressenti personnel et de sa prestation professionnelle à la construction commune d’un esprit de ruche épanouie..

Yona FRIEDMAN commence par réunir, séparément puis globalement, des représentants volontaires des divers corps d’utilisateurs du lycée (cf. supra) et présente brièvement les quelques grands principes d’architecture nécessaires à l’échange avec les participants.

Il leur demande quelles sont, selon eux, les qualités que doit présenter un bâtiment dans lequel ils exerceront collectivement leur activité professionnelle. Pour ce faire, chacun s’interroge:

-quelles relations optimales développer avec l’ensemble des utilisateurs, quelles méthodes de travail privilégier pour ce faire ?

-quelle traduction en proposer dans l’organisation du bâtiment, quels espaces sont nécessaires, comment les relier entre eux?

Puis, concrètement, il apporte des ficelles et des boutons, les ficelles pour marquer les communications entre les divers espaces, les boutons pour figurer les lieux de travail (salles de classe, bureaux; cuisine, locaux de rangement, lieux conviviaux, etc.) et demande aux participants de créer/dessiner leur lycée optimal à partir de ces éléments concrets.

Les discussions terminées avec les auto-planificateurs et un consensus trouvé, il appartient à l’architecte de le traduire en un plan qu’il est habilité à réaliser en respectant, bien sûr, le budget alloué.

IV. ASPECT INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR

Yona FRIEDMAN, architecte concepteur du lycée Henri BERGSON, est convaincu de la nécessité de travailler autant que possible avec les matériaux locaux. Il propose donc que soient utilisés, pour les murs extérieurs comme pour les murs intérieurs, le tuffeau, rehaussé d’un appareillage de briques et d’ardoise: blanc, rouge, bleu, les matériaux et couleurs de l’Anjou traditionnel.

L’architecte local désigné pour gérer le suivi de la construction ne fut pas de cet avis et sans doute fut-il soutenu. Des dépassements de budget furent évoqués. Pourtant Yona FRIEDMAN a toujours affirmé avoir scrupuleusement respecté le budget alloué par l’Éducation Nationale. Fut évoqué, entre autres, le surcoût lié à un entretien plus conséquent et plus fréquent.

Et l’on opta pour des murs peints, à l’extérieur et à l’intérieur, «comme des couloirs d’hôpitaux», me confia un jour Yona Friedman, déçu. Dommage…

V. LE PROBLÈME DU 1 % CULTUREL

Les bâtiments publics bénéficient d’un complément budgétaire de 1% du montant total des travaux alloué à un créateur, généralement un plasticien et géré par le Ministère de la culture ou la Direction Régionale des Affaires Culturelles (basée à Nantes pour les Pays de la Loire). Yona FRIEDMAN demanda, en vain, que ce supplément artistique de 1 % lui soit attribué afin que l’œuvre d’art soit intégralement intégrée dans le projet d’ensemble. Il voulait éviter le côté «plaqué» de certaines réalisations…

Le lycée terminé, diverses suggestions furent faites par les tutelles comme par les usagers : une tapisserie sur l’un des murs, une sculpture dans le forum… rien qui ne participe de l’esprit architectural du bâtiment. De leur côté, les auto-planificateurs étaient clairement réticents.

Bassin de François Morellet

au 2ème plan la Maison Des Lycéens (2003).

Je contactai alors François MORELLET, résidant à Cholet (sud du département), plasticien déjà internationalement reconnu, que le projet intéressa puis, avec son accord, je soumis cette proposition au DRAC qui l’accepta. Une rencontre fut organisée entre Yona FRIEDMAN et François MORELLET pour envisager une proposition artistique susceptible de convenir aux deux parties. Il en résulta ce bassin situé au cœur de l’espace d’entrée, vaste carré distribué en quatre parts égales dont les trois dernières sont progressivement relevées et détachées du sol laissant apparaître l’élément liquide, l’eau lustrale de la connaissance, rafraîchissante et revigorante.

VI. LE DEVENIR DE L’ÉDIFICE

Au moment de sa conception, ce bâtiment devait être une simple annexe du lycée recevant les classes préparatoires du lycée David d’Angers, lequel était à l’étroit dans ses murs de centre ville. Mais très vite «l’annexe» devint un lycée à part entière, sous l’effet de la forte augmentation de population dans ce quartier voisin de l’université. Le nombre d’élèves s’accrut et un maximum de salles furent attribuées à des groupes classes, ce qui, pour certaines d’entre elles, n’était pas leur destination première, celle initialement prévue par les auto-planificateurs.

Forum, architecte Yona Friedman

Le bâtiment, largement ouvert sur son forum central et distribué en alvéoles tout autour avec salles de classe et d’expérimentation, bureaux spécialisés par disciplines d’enseignement et petites salles de réunion utilisables par les élèves, se prêtait tout-à-fait à une redéfinition de la pédagogie proposée par les utilisateurs.

Forum, architecte Yona Friedman

Membre de l’École Moderne-Pédagogie Freinet, je fus particulièrement sensible à cette possibilité d’innovation. Ce lycée, souhaité tel par les auto-planificateurs, devait permettre aux enseignants, à l’administration, aux divers services, d’innover en matière de pédagogie: ouverture des portes de classes, cours communs, projets collectifs, responsabilisation des lycéens avec constitutions de petits groupes de travail, circulation interne améliorée, réception d’experts extérieurs, travaux réalisés avec leur aide…

Ce ne fut pas vraiment le cas et chaque porte se referma sur le groupe classe et l’enseignant, ce qui, bien entendu, ne remet nullement en cause la qualité du travail fourni par chacun mais en limite l’impact éducatif pour l’ensemble de la communauté citoyenne.

VII. QUELQUES EXEMPLES D’UTILISATION DU LYCÉE (à partir de septembre 1980)

Avec l’accord du collègue d’art plastique, les murs d’entrée au forum furent d’emblée convoités pour y afficher les productions plastiques des élèves. Un revêtement mural en tissu permettait de renouveler fréquemment les propositions des élèves.

Sur les murs du rez-de-chaussée entourant la partie du forum surmontée par la mezzanine, je réalisai avec des élèves de seconde une exposition d’aphorismes de René CHAR transcrits sur des panneaux animés de vastes éclats de couleurs vives. Cet ensemble faisait suite au travail sur la poésie de René CHAR, réalisé en commun avec une classe de seconde de Mauricette RAYMOND, professeur de lettres au lycée d’Apt, lequel aboutit à la publication de la BT2 n° 127 de mars 1981 consacrée au poète, mon maître et ami en poésie.

Je fis plusieurs propositions théâtrales et musicales d’utilisation du forum. Je me souviens notamment du spectacle donné, pour une somme modique, par le comédien Philippe AVRON, venu animer un stage de théâtre à Angers, en collaboration avec la Maison de la culture-Nouveau Théâtre d’Angers dont j’étais l’un des administrateurs. Tous les élèves et leurs professeurs étaient rassemblés sur les quatre côtés de la mezzanine qui dominait la scène, placée au-dessous, au centre. C’était impressionnant et l’on ne pouvait que penser, ce soir-là, à Jean VILAR qui s’était si longuement battu pour que le théâtre vienne rencontrer son public.

L’ample volée de marches de l’entrée principale joue pleinement son rôle d’espace théâtral ouvert. J’y ai vu des démarrages d’actions revendicatives lycéennes et les incontournables manifestations de prise de paroles de futurs militants et tribuns. C’est là que, pour faire le point, je réunissais, en juin, les adeptes du club théâtre du lycée, notamment la première année où nous devions être plus de quarante pour monter Le Soleil des eaux de René Char, ce spectacle pour une toile des pêcheurs.

Le bassin fut également sollicité: les biologistes le peuplèrent de joncs et de grenouilles aptes à réveiller les élèves endormis lors des chauds après-midi de juin. Les astrophysiciens installèrent sur le bloc horizontal un astrolabe sphérique encore appelé sphère armillaire, propre, le jour, à dispenser ses connaissances et, la nuit, à les vérifier…

Mur d’expression libre suite aux attentats du 13 novembre 2015

VIII.CONCLUSION

Hall d’entrée aujourd’hui

Le lycée Bergson d’Angers est bien, selon les termes de son architecte concepteur, une «utopie réalisable», la qualité de sa réalisation étant, année après année, désormais confiée aux mains de ses utilisateurs.

Rampe d’accès à l’ internat (2015) et Maison Des Lycéens (2003)

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COMPLÉMENTS: ACTUALITÉ DE YONA FRIEDMAN

Yona FRIEDMAN, en sa 93° année, malgré la disparition de son épouse, Denise, en 2008, puis une santé altérée, est toujours aussi actif. Voyageant moins, il travaille beaucoup avec internet:

-nouvelles publications en Italie (son éditeur italien a récemment visité le lycée Bergson et s’est dit enchanté),

-Expositions récentes en Chine, au Japon, en Europe,

-Exposition rétrospective de son œuvre, l’été 2015 et en juin 2016, à la Cité de l’Architecture de Paris,

-Réalisations architecturales récentes en Italie, au Japon et, cette année 2016, à Londres,

-Acquisition de ses archives par le Getty Research Institute de Los Angeles (États-Unis),

-Voyages et séjours en Israël et à Los Angeles, près de ses deux filles.

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NOTE

1Jai bien connu Yona FRIEDMAN. Nous avons sympathisé et beaucoup échangé verbalement et par correspondance. J’ai lu plusieurs de ses ouvrages, articles divers et l’ai rencontré dans son appartement parisien. Mais, nommé au Lycée David à la rentrée 1979, puis au lycée Bergson à la rentrée suivante (1980-1994), je n’ai pas participé aux rencontres des auto-planificateurs. Je ne fus qu’un relais tardif et un heureux utilisateur de ce remarquable lycée.

Bien entendu, le témoignage ci-contre, quoique sincère, reste personnel donc subjectif. Il ne remplace en rien les déclarations de l’architecte, la lecture de ses ouvrages et la visite des bâtiments qu’il a réalisés »

Paul BADIN, enseignant de lettres, 24/01/16 et 18/03/16.